Copes, formation pour les professionnels de l’enfance, de l’adolescence et de la famille

Serge Tisseron, Dire la honte pour éviter qu’elle ne se transmette

Serge Tisseron, psychiatre, docteur en psychologie, auteur notamment de La Honte, psychanalyse d’un lien social, Dunod, 1992.

La honte n’est ni la pudeur, ni la culpabilité, et elle est d’autant plus redoutable qu’elle avance souvent masquée. Mais sa reconnaissance est essentielle pour mettre en route une ré-affiliation du sujet honteux à la communauté des hommes. Pour passer de « la honte qui tue » à la « honte qui sauve », il faut d’abord la reconnaître et la nommer. D’autant plus que nous la ressentons quand nous courons le risque de nous déshumaniser, mais aussi lorsque nous nous sommes éloignés, sans même nous en apercevoir, du pacte qui fonde l’humain et que nous y revenons. Et il faut retrouver les sentiments que la honte a étouffés, à commencer par l’angoisse et la colère : ces sentiments sont en effet la base à partir de laquelle la personnalité peut se reconstruire. En même temps, le fait que la honte traverse les générations a pour conséquence qu’aucune honte ne prouve rien, ni sur les raisons pour lesquelles elle est éprouvée, ni sur celui ou celle qui l’a d’abord éprouvée, ni même sur la génération concernée initialement par elle. C’est pourquoi il est essentiel d’envisager les aspects générationnels de la honte. Enfin, l’empathie est importante à chacun de ces moments, d’autant plus qu’elle est souvent bloquée chez celui qui a un jour vécu la honte : il ne peut ni se mettre à la place de l’autre, ni accepter que l’autre se mette à sa place.