Copes, formation pour les professionnels de l’enfance, de l’adolescence et de la famille

Laure Delisée, Regard d’une psychologue scolaire sur la période de confinement…

On dit que la période de confinement va accroitre les inégalités sociales, on dit qu’elle augmente le risque de maltraitance infantile, on dit qu’elle va fragiliser les familles « en souffrance », on dit qu’elle favorise le décrochage scolaire, certes.

Et si, au contraire, pour certaines familles, la continuité pédagogique entre l’école et la maison pouvait être un levier pour améliorer la relation aux apprentissages ?

Le travail scolaire mis en réseau, relayé par un parent, redonne un rôle central dans leur fonction parentale. Dans quelles mesures, à contrario, les compétences scolaires chez leur enfant s’en trouvent-elles facilitées ?

Après la prise en compte de la dangerosité potentielle du milieu familial, largement relatée par les médias aujourd’hui, faisons le pari que « l’école à la maison » mobilise largement, pour la plupart des familles, les richesses et les ressources, et par conséquent, modifie positivement la relation au Savoir.

 

Dans mes consultations, j’entends fréquemment des familles dirent qu’elles ne sentent pas en capacité d’aider leur enfant à surmonter ses difficultés scolaires. Une perception négative de leur propre éducation, des croyances et attitudes d’évitement diminuent le sentiment du parent d’être important dans la vie scolaire de leur enfant. Ce rapport part d’un constat qui relèverait du sens commun selon lequel les parents délègueraient de plus en plus leurs responsabilités à des institutions tiers ou des relais.

Les entretiens familiaux que je mène au sein d’écoles maternelles et élémentaires, soulignent le fait que la prise en charge des apprentissages scolaires de leur enfant n’est pas évidente et apparaît comme un processus qui se développe et implique des compétences et des codes à acquérir. Aujourd’hui, il n’est plus question d’élever un enfant, en mettant en œuvre des « savoir-faire naturels de parentalité » mais de l’éduquer en mobilisant et développant des compétences multiples.

En présence d’échec scolaire, on cherche à rendre le parent « coupable ».Pour beaucoup, le confinement que cette crise sanitaire impose, donne lieu à de nouvelles modalités d’intervention du parent dans la vie scolaire de son enfant. Tel est le défi du parent confiné : trouver un moyen de devenir le substitut professoral durant une période indéterminée ! Son implication aide l’enfant à développer un rôle plus actif et plus autonome dans le processus d’apprentissage.

Un nouveau regard que porte l’enfant sur son parent peut, en miroir, lui renvoyer d’être compétent à son tour.

Dans cette situation contenante, se tisse un accordage qui facilite l’acquisition d’habiletés sociales et cognitives. L’un et l’autre se sentent valorisés. L’enfant prend alors conscience de la force du lien familial.

 

Aujourd’hui, plus que jamais, les enseignants se mettent en lien avec les parents d’élèves, les soutiennent dans leur rôle, les guident dans une perspective dynamique d’apprentissage. La thèse des « parents démissionnaires » est largement remise en cause !

En le responsabilisant dans cette fonction, le parent se fait représentant du Savoir.

Son rôle dans la transmission des connaissances devient central. En dépit du fait qu’il puisse y réussir, cette tâche éducative apparaît alors déterminante puisqu’elle contribue à la valorisation de la parentalité et donc de la relation du jeune enfant aux apprentissages. La nécessité de faire classe à la maison transforme la relation parent-enfant, et n’est plus uniquement synonyme de souffrance, comme on s’en amuse sur les réseaux sociaux. Les parents se sentent moins culpabilisés et moins atteint narcissiquement de ne pas pouvoir répondre aux attentes scolaires. Cet assouplissement des exigences entraine un soulagement de l’angoisse bénéfique à la consolidation des savoirs.

 

De quelque façon dont le parent résoudra la tâche, ce qui sera mis à l’œuvre dans ce dispositif pédagogique concerne l’écoute singulière qu’aura le père ou la mère. L’enfant pourra s’identifier à ce qui lutte en eux contre leurs propres fragilités. Dans ce confinement, l’enfant devient l’élève de son parent. Les activités scolaires quotidiennes peuvent être un levier thérapeutique pour certains élèves.

La présence parentale favorise l’apprentissage chez l'enfant en mobilisant de la part des deux protagonistes des compétences cognitives mais également des émotions. Au sein de cette aire transitionnelle, l’identification, l’accordage affectif, l’adaptation seront clairement mobilisés.

 

Dans ce contexte d’isolement, l’importance des conduites parentales sensibles pour le bienêtre des enfants pourraient bien avoir de nombreux bénéfices secondaires notamment le développement de la confiance en soi sous l’effet du re-parentage. Cette triangulation favorise l’autorégulation de l’élève, sa motivation et les habiletés qui lui permettront ultérieurement d’assumer la responsabilité de sa propre trajectoire scolaire.

 

La période de confinement oblige à repenser la relation pédagogique et des mutations familiales dans ce rapport fragile vis-à-vis du contenu scolaire. L’engagement des parents dans le travail pédagogique permet de restaurer certains d’entre eux.

Je souhaite pouvoir témoigner de ces changements. Les bénéfices de cette mobilisation familiale autour des exigences scolaires permettront de combler des besoins cognitifs et affectifs infantiles, ressort fondamental dans tout processus d’apprentissage.

Malgré la période anxiogène que nous traversons tous, des parents parviennent à élaborer un sentiment de compétence auquel l’enfant s’identifie. Ils lui permettent d’internaliser en fin de compte cette confiance entre l’enfant-le parent-l’école pour la généraliser, souhaitons-le, à ses nouvelles expériences après le déconfinement !

Laure Delisée
Psychologue à l’Éducation Nationale "Éducation, Développement et Apprentissages". Circonscription de Chatillon/Montrouge (92)